J’étais en train de m’astiquer le poireau, lorsque – non pas celui-ci – mais une déferlante m’aspergea le groin.
Euh !? T’as pas autre chose à raconter sur ta traversée de 2 semaines jusqu'à l’ile de pâques ?
Bon, Je lisais un récit de navigation autour du monde, d’une famille sur un grand catamaran, stable, rapide, et tout ce qu’il faut pour roucouler de bonheur. Eh ben non ; pour eux, les traversées ont été longues et éprouvantes. Alors que justement les navigations 24h/24 uniquement a la voile au milieu des vagues et du vent, je trouve ça magique. Surtout que ce fût ma meilleure traversée océanique : Bonnes prévisions de vents, il a fait bon, 20-25°C, lecture, ordinateur, m’occuper de la marche du bateau, envoyer ma position à l’Armada Chilienne et quelques e-mails avec la radio BLU, me faire des thés et des bon plats à manger. Bien sur, le tout en compagnie de Loupy.
Et les 3 autres traversées océaniques? Pour la première qui fut d’aller du Cap Vert au Brésil, il y a eu trop de moteur pour passer la ZIC (pot au noir équatorial) et gâché par Kimberly, cette conne d’Américaine que je n’aurai pas dû embarquer. Ce qui m’a valu que je modifie mon parcours vers les Caraïbes pour la débarquer ailleurs qu’au Brésil. (Elle n’avais pas demandé un visa à l’avance, réciprocité du Brésil vis-à-vis des USA).
La deuxième fût l’Atlantique retour. Passer au pacifique par le canal de panama comme dans une machine de télé transportation ne me disais rien; et j’avais envie, de faire l’Atlantique retour. Ensuite recommencer vers l’Amérique du Sud, mais avec une descente complète du Brésil, puis l’Uruguay et encore l’Argentine jusqu’à tout en bas en terre de feu, (très content de l’avoir fait ainsi). Ce fût néanmoins une aventure exceptionnelle avec démâtage et construction d’un mat de fortune ; et au final j’avais atteint l’objectif de 15 jours entre Bermuda et l’ile de Flores. Cependant pas seulement à cause du démâtage à 200 miles des Açores, mais aussi que les conditions étaient trop musclées pour parler de traversée parfaite.
Ensuite la 3ème traversée de l’Atlantique quasi identique à la première, Cap Vert – Brésil. Cette fois jusqu' au Continent sans s’arrêter inutilement à Fernando de Norhona. Mieux que la première fois car tout a pu être fait à la voile, mais manquait que j’avais été trop a l’Ouest avant la ZIC. Du coup il a fallu tirer de bords devant Natales jusqu’à Joa Pessoa; Nous étions 5; Je n’avais pas vraiment apprécié de me sentir exclu de la vie a bord ; Elina et son couple d’amis jacassaient sans arrêt.
Donc cette fois-ci fut la bonne.
Avec Guadalupe on avait fait, et enregistré une chanson dans les canaux de Patagonie. La voici:
https://youtu.be/IhTKlLpvEpI
J’ai quand même eu UNE nuit d’emmerdements. Le genre de nuit ou tout s’y met, même la pluie alors qu’il n’y en a pas eu les autres jours. Je lisais justement dans un livre qu’il y a deux sortes de problèmes: ceux qui nous tombent dessus et ceux qu’on se crée soit même. J’ai eu les 2.
Celui que je me suis crée, fût d’avoir installé le spinnaker en fin d’aprèm. Le spi est une grande voile qui se gonfle comme un énorme sac pour des allures portantes jusqu’a force 4; c’est tout de même complexe à installer, faut rajouter un tangon, des écoutes, hale-haut, hale bas. Une fois inquiété par des embardées, des bruits suspects et par une probabilité de démâtage, au lieu de réfléchir a comment l’affaler dans la nuit sans précipitations malgré le vent fraichissant, par exemple de ramener la drisse vers l’avant et agir progressivement; j’ai affalé le spi d’un coup en pensant pouvoir le récupérer lors de sa chute, en tirant dessus. Sauf qu’il est parti directement dans l’eau. Tracté par le bateau le tangon cassa, d’un coup net, en plein milieu comme un spaghetti.
J’ai mis le bateau face au vent et remonté le spi a bord ; ouf déjà il n’est pas déchiré ni coincé dans la quille ou le safran.
Tant pis, pas grave, c’est surtout moi qui suis con, de m’être pris comme ça. Et de toutes façons étant seul je n’aurai pas du hisser le spi et encore moins d’aller me coucher comme ça.
Le spi tout mouillé je l’ai mis en boule dans le cockpit et les 2 morceaux de tangons dessus. Et au lit, on verra ça demain. J’ai donc continué avec la grande voile seule.
Mais au lit, j’entendais d’autres bruits suspects et des sensations inhabituelles ; Je ressors du lit ; et là je vois et entends le cognement du jeu à la barre du pilote automatique. Pour accéder au pilote auto, il faut enlever, le grand capot, la bouteille de gaz 15kg, des bidons de gas-oil, dévisser les nombreuses vises pour ouvrir la trappe, le tout avec le spi et le tangon cassé au milieu et la pluie qui s’y met.
Le verdict c’est qu’une des deux tiges filetées de la demi-lune qui serre sur la mèche de safran est cassée à l’intérieur. En gros, la pire merde en mécanique. J’installe le pilote de secours ST1000, (c’est un pilote tout en un, l’ensemble se fixe sur la barre, comme si on barrait à la main) et m’attèle directement a démonter la pièce pour envisager une réparation.
A 6 heures j’ai terminé, il faut encore le remonter, mais ça sera pour le lendemain, le pilote de secours fais son travail correctement.
Dans l’après-midi je hisse le spi sans tangon pour le sécher, puis 2 jours après je répare le tangon de spi en rivetant 4 pièces d’aluminium à l’intérieur, tenu par 44 rivets. Je n’ai plus remis le spi. C’était peut être un mal pour un bien
La nuit suivante j’ai fait un drôle de rêve, surement en rapport avec le tangon. Dans le rêve j’étais à l’intérieur de mon corps dans les intestins, puis je vois un gros vers qui passe, couleur rouge et rose avec nuances comme le reste du décor. Puis je me demande si le vers, est un élément normal, qui fait partie du corps, ou bien si c’est un parasite genre vers solitaire. Je demande d’ailleurs l’avis au copain à coté de moi, mais occupé avec son téléphone, il n’y prête guère attention. Puis je vois la fin du gros vers ( genre 4m de long par 8cm de diametre comme le tangon) avec un morceau de corde bleu et blanc à la fin. Et là, je me dis que c’est un parasite qu’il faut le tuer avant qu’il se barre. Mais trop tard il est passé à travers la paroi. Une fois à l’extérieur je me renseigne au près d’autres gens pour savoir ce que c’est, et s’il faut s’en inquiéter. (je n’ai pas eu de réponses)
Puis le matin du samedi 25 novembre à 220 milles de l’ile de Pâques, j’ai remis le spi, les conditions étaient, excellentes ; vent arrière Force 4 régulier, et surtout aucun grain a l’horizon, contrairement à la veille. Le but étant d’arriver avant la nuit sans stress 2 jours après.
Un grain (pour ce qui ne savent pas) est un nuage noir qui arrive avec une bonne rafale de vent, le tout souvent avec changement de direction, et dans la foulée une averse. Une fois passé le vent tombe en laissant une mer hachée. Puis au loin un autre arrive déjà. C’est casse couilles. Donc trafiquer au spi avec des grains non merci. Je vais quand même l’affaler pour la nuit : j’ai déjà préparé le retour de la drisse vers l’avant, histoire de faire ça correctement.
Tiens, je viens de remarquer, la même chose que pour la première fois hier : Des grandes zones de l’océan mauves, un joli bleu violet profond. Je me demande ce que c’est ; du plancton plus ou moins concentré ? Variations de salinité ? En tout cas sans rapport avec les nuages, car hier il faisait couvert et aujourd’hui soleil. Puis 2 jours après l’océan a entièrement pris cette couleur pourpre, lilas. Peut être es ce la couleur normale de l’eau du courant de Humboldt qui se réchauffe ? (courant qui remonte des profondeurs de l’Antarctique vers la surface le long de la côte Chilienne)
Après 10 jours de navigation en solitaire lors de l’Atlantique retour, j’entendais de la musique. J’en avais discuté avec Philippe de Wateville, (qui m’avait bien aidé pour fabriquer un mât provisoire avec celui cassé en 3 suite à mon démâtage). Et lui m’avait dit qu’après 10 jours aussi, mais qu’il entendait des voix.
Cette fois-ci la musique est apparu au 11ème jour ; de la musique plus mélodieuse et moins techno, avec des vocales. Ces sons existent vraiment, ce ne sont pas des hallucinations : A mon avis ça provient qu’à force de vivre avec les sonorités de vent, d’écoulement d’eau, divers craquements et petits cognements réparties du grave jusqu’aux aigus ; elles finissent par êtres interprétés comme de la musique, un peu comme si on entendait la radio du voisin à travers un mur.
13 jours à naviguer sans s’arrêter 24h/24, 3000 km sans voir aucun autre bateau, même pas sur le récepteur AIS ; parfois on y voit des navires invisibles à l’œil nu. Depuis 2007 tous les cargos et bateaux de transport de passagers ont l’obligation d’émettre ces signaux. Ce sont des informations digitales envoyés par ondes VHF, sur le cap, la vitesse, la position et le nom du navire. Pour les navires de plaisance c’est optionnel. J’en ai un qui est allumé en permanence. La nuit je ne fais aucune veille sauf près de côtes, ou il peut y avoir des bateaux de pêche. Je garde l’AIS (Automatic Identification System) avec alarme allumé, et le feu de tête de mat, qui est visible de très loin. Normalement je devrais avoir, non pas le feu de tête de mât, qui est le feu de mouillage, mais vert à droite, rouge à gauche et blanc derrière. S’il y a du trafic, j’allume le rouge et le vert aussi. Si en zones peu fréquentés je n’ai que celui de tête de mat, c’est pour plusieurs raisons : il est visible de plus loin et tout au tour ; consommation moindre et je ne suis pas dérangé par mes propres lumières pour voir au loin. Rajoutons que pour un cargo qui va 3 ou 4 fois plus vite, un voilier à 5 ou 6 nœuds est presque à l’arrêt.
Je garde aussi la radio VHF allumé sur le canal16, d’ailleurs à 100 Miles de l’ile de Pâques, un navire militaire chilien m’a réveillé à 6H30 en appelant directement « Amarante ». Il m’a posé les questions habituelles comme provenance, destinations et nombre de personnes à bord. Ce qui fût donc le seul navire à ce que je sache. En tant que militaires, ils se réservent le droit de rester furtifs, donc invisibles sur l’AIS. Mais eux m’ont vu (et c’est le but) puisqu’ils m’ont directement appelé par le nom du bateau.
ça y es je suis arrivé; (27°08’63 S, 109°26’15 W) j’ai mouillé l’ancre par 20 mètres de fond au plus près du bord de la limite des bouée roses que m’a indiqué l’Armada. La dernière fois que j’ai mouillée aussi profond ça doit être la rade de Villefranche sur mer, à côté de Nice. il est 2h de moins que le continent, j’avais conservé l’heure du Chili continental, ce qui me perturbait avec nuit noire a 8H et le soleil qui se couche à 23H.
Un seul autre voilier ; un ketch hollandais « Easter steam » MMSI 244 820 698 il part ensuite vers les fjords chiliens de la Patagonie. Puis en automne australe il remontera les fjords pour retourner au pacifique; j'étais passé lui dire bonjour avant de mouiller l’ancre, il venait de se réveiller, puis après il est passé me parler en annexe avec sa femme a bord. ca fait une semaine qu'ils sont ici, ils ont fait du vélo, aujourd'hui ils vont louer une moto pour une ballade complète de l’ile.
Allez ; je vais gonfler l'annexe, pour poser pied à terre et faire un selfie devant ces fameuse statues ; il y en à plus de 800… j’en vois une série au bord qui fera l’affaire.
petit port pour barques et l'annexe a Hanga Roa, la ville principale: |
Lever du jour en arrivant a l'ile |
Piscine naturelle. |
Un des couchers du soleil, presque toujours un évenement dont on ne se lasse pas. |
Elle est pas belle la vie? L'eau est de couleur legerement pourpre non? |
Montage d'un foc sur tangon pour avoir un angle de vent plus au vent arriere sans que la GV dévante le genois; ca marche. |
Chantier réparation du tangon. |