Après San Antão, direction l’île de San Vicente, et sa
capitale Mindelo, deuxième plus grande ville de l’archipel. C’est après une
belle navigation 2 heures que nous y arrivons car c’est juste en face. Ici, les
hommes s’appellent Dionisio, Alberdinho,
Cesar mais aussi John, Edilton, Elton, ou carrément Elton John. Ils se
retrouvent tous au bar des pêcheurs, dès 11 heures, pour siroter des grogs
a 30 centimes (=rhum local) toute la journée. Une rue plus bas, c’est la marina, propriété d’une
famille allemande. La différence est abysmale. Ici, ça pue le fric. On passe
deux jours seulement dans cette marina, où tout doit se régler par carte
prépayée (eau, éléctricité, douche, wifi). Le bar interne à la marina est plein
de gros Allemands et Hollandais venus pêcher sur des bateaux à moteur, aux
nombres incommensurables de rutilentes cannes à pêche. Après remplissage des
réservoirs, de lavage du linge et de bonnes douches, on part vite se mettre au
mouillage. Mindelo, jolie petite ville colorée aux façades défraichies, nous
réservent quelques belles soirées musicales. On découvre la morna dans la
maison de Tito Paris.
Pour l’anniversaire de Delphine, on se paie le luxe d’aller
sur l’île déserte de Santa Luzia, réserve naturelle interdite, mais conseillée
par Martin un anglais et sa compagne estonienne navigant sur « Proxima
Vida » qui y étaient restés 4 jours . On y arrive de nuit, par vent fort ;
nous sommes sous le vent, protégé de la
houle par l’île. Mais malgré ça le vent est très très fort (plus de 40 noeuds
de vent en continu) et c’est un peu à l’aveuglette que nous jetons l’ancre. L’ancre
chasse, on la remonte et on recommence en approchant plus près du bord encore,
juste avant le déferlement des vagues. On
découvre le lendemain matin une grande plage de sable blanc, battue par une
houle dont le vent à contre fait d’impressionnantes levées d’embruns. C’est à
la nage que nous nous y rendrons faute de pouvoir y débarquer avec l’annexe. Il
faut bien choisir sa vague pour le retour. Pour quelques heures, on se prend
pour des Robinson Crusoë.
20 milles par vent de travers nous séparent de notre
prochaine destination. En chemin, on voit un cargo fraîchement échoué de l’autre
coté de l’île. Le remorqueur censé l’en dégager nous passe à côté (au vu de la
taille du cargo il n’a surement pas pu faire grand chose). Sur l’île de São
Nicolau, à Tarrafal, le vent tombe brusquement en passant de 35-40 noeuds à zéro. Arrivés au quai des navires de livraison
et ferrys, c’est une horde de gamins qui nous accueille et envahit rapidement
le bateau. Ca saute, crie, rigole de tous côtés. On y est resté 24heures car
il n’y a pas de traffic le lundi de Pâques. Puis, on va au mouillage, où se
trouvent quelques voiliers aux pavillons... bretons . Sur cette île, la
deuxième à produire du grog, on sent vite les ravages de l’alcool. Les regards
sont vitreux, les visages commencent à boursoufler.... mais toujours avec le
sourire et cette générosité qui nous accompagnent depuis notre arrivée au Cap
Vert. Dans cette ville, chacun se trouve une routine : John se passionne
pour le foot local et se rend tous les soirs au stade soutenir les pêcheurs
contre les policiers, Delphine passe plusieurs après-midi à faire de la musique
avec Zê Cacai (grand multi-instrumentiste connu de tous) et ses compères, Denis
se lance dans une mission bambou pour fabriquer un tangon mais revient endommagé
par le grog. Après une après-midi à chercher des infos sur où trouver un
bambou, il part en pick-up dans les montagnes où n’existent que cinq bambous.
Après avoir minutieusement choisi le plus approprié (7 mètres), il négocie son
abbatage à coup de grog, le coupe au couteau, le transporte à dos d’âne, de
cheval, déglingue ses tongues, se fêle une côte, se crève un tympan, récupère
deux papayes (il n’était pas suffisamment chargé), revient tard et tant bien
que mal à Tarrafal. Mais le bambou - laissé 15 minutes sur la plage -
disparaitra bien vite, un autre sera retrouvé par John. Effectivement, la ville
est investie par les enfants qui, pour beaucoup, ne vont plus à l’école mais
arrêtent dès la fin de l’école primaire (qui se termine à l’âge de douze ans).
On nous répond que les parents ne sont pas « motivés ». A part la
pêche, il n’y a pas beaucoup d’argent qui rentre. Les enfants des rues gagnent
alors quelques escudos en gardant les annexes (comme leurs aînés), en pêchant,
en tamisant le sable... ou en dépouillant les quelques touristes (40 euros
subtilisés du sac de Delphine). Les
soirées au foot portent leur fruit : John y rencontre Jacqueline et Rosa
qui nous invitent à une soirée à Calinjão. C’est un peu le coeur gros que nous
quittons cette ville où nous avons passé presque une semaine et appris à
connaître ses habitants. Après Porto Novo, c’est la deuxième ville qui nous
laisse un goût de sodade. Merci à Zé
Cacai et sa maman, Stéfanie, Jacqueline, Rosa, Zit alias Zidane (qui a
amoureusement nommé son bateau de pêche « Café au Lit » en français),
José de la radio locale...
L’Amarante file à vive allure pour rejoindre un autre
Tarrafal, de l’île de Santiago. Avec une moyenne de 6 noeuds, nous arrivons
trop vite car la navigation est des plus agréables. On troque le sable noir
pour du blanc, l’architecture est différente, les barques colorées bien
alignées, et la plage est cette fois investie par les sportifs qui jonglent
avec leur ballon de foot, s’adonnent aux tractions, abdominaux ou sauts
périlleux. Les sportives aussi sont au rendez-vous, vers 18 heures, pour faire
des tours de pistes (piste frayée dans le sable). Ca fait plaisir de voir que
les femmes jouissent d’une plus grande indépendance et qu’elles prennent du
temps pour elles (par rapport aux pays d’Afrique de l’Ouest que nous
connaissons un peu).Direction Assomada pour une mission poules pondeuses !
Du marché, on en rapporte deux, avec l’ambition de les faire pondre pendant la
traversée vers le Brésil. Et gare à elles si elles ne pondent pas, elles
finiront... au four. Ce sera un peu de viande fraîche à bord ! (Text Delphine, photos smartphone Johnny)